Échange de lumière

03.09.2018

Une porte quantique entre atomes et photons pourrait faire progresser le développement d'ordinateurs quantiques

Les ordinateurs quantiques du futur seront en mesure d'effectuer des calculs qui sont hors de portée des ordinateurs d'aujourd'hui. Cela pourrait inclure notamment la capacité de déchiffrer le codage actuellement utilisé pour les transactions électroniques sécurisées, ainsi que les moyens de résoudre efficacement des problèmes lourds et complexes dans lesquels le nombre de solutions possibles augmente de façon exponentielle. Les recherches menées dans le laboratoire d'optique quantique du professeur Barak Dayan de l’Institut Weizmann des Sciences peuvent faire progresser le développement de ces ordinateurs en fournissant les "portes quantiques" nécessaires à la communication au sein de tels ordinateurs quantiques et entre eux.

Contrairement aux bits électroniques d'aujourd'hui qui ne peuvent exister que dans un état parmi deux – zéro ou un – les bits quantiques, appelés qubits, peuvent également se trouver dans des états correspondant simultanément à zéro et à un. C'est ce qu'on appelle la superposition quantique, et cela présente un avantage considérable car un ordinateur manipulant des qubits pourrait effectuer de multiples calculs en parallèle. 

 Il y a cependant un hic : L'état de superposition quantique ne peut exister que tant qu'il n'est pas observé ou mesuré de quelque manière que ce soit par le monde extérieur, sinon tous les états possibles s'effondrent en un seul. Il en résulte des exigences contradictoires : Pour que les qubits existent dans plusieurs états à la fois ils doivent être bien isolés, mais ils doivent d'autre part interagir et communiquer avec de nombreux autres qubits. C'est pourquoi, bien que plusieurs laboratoires et entreprises à travers le monde aient déjà fait la démonstration de petits ordinateurs quantiques comprenant quelques dizaines de qubits, la difficulté du passage à l'échelle souhaitée de millions de qubits reste un obstacle scientifique et technologique majeur.

Une solution prometteuse consiste à utiliser des modules isolés contenant un nombre réduit et gérable de qubits, et pouvant communiquer entre eux, quand il est besoin, par liaisons optiques. L'information stockée dans un qubit concret (p. ex. un atome ou un ion unique) serait ensuite transférée dans un "qubit volant" – une particule unique de lumière appelée photon. Ce photon peut être envoyé par fibres optiques à un qubit concret situé à distance et transférer ses informations sans que l'environnement n'en perçoive la nature. La difficulté à créer un tel système tient au fait que chaque photon transporte de très petites quantités d'énergie, et que les minuscules systèmes de qubits concrets n'interagissent généralement pas fortement avec une lumière aussi faible.   

Le laboratoire d'optique quantique de Dayan à l’Institut Weizmann des Sciences est l'un des rares groupes au monde à se consacrer entièrement à ce défi scientifique. Leur installation expérimentale comporte des atomes isolés couplés à des résonateurs de silice de taille micronique sur puces, et les photons y sont envoyés directement à travers des fibres optiques spéciales. Lors d'expériences précédentes, Dayan et son groupe avaient démontré la capacité de leur système à fonctionner comme un commutateur activé par un seul photon, ainsi que comme moyen d'arracher un seul photon à un éclair de lumière. Dans la présente étude, rapportée dans Nature Physics, Dayan et son équipe ont réussi – pour la première fois – à créer une porte logique dans laquelle un photon et un atome échangent automatiquement les informations qu'ils portent.

« Le photon transporte un qubit, et l'atome est un second qubit, » dit Dayan. « Chaque fois que le photon et l'atome se rencontrent, ils échangent automatiquement et simultanément les qubits entre eux, et le photon continue ensuite son chemin avec le nouveau bit d'information. En mécanique quantique, où l'information ne peut pas être copiée ou effacée, cet échange d'informations est en fait l'unité de base de la lecture et de l'écriture – la porte "originelle" de la communication quantique. »

Ce type de porte logique – une porte SWAP – peut être utilisé pour échanger des qubits tant à l'intérieur qu’entre des ordinateurs quantiques. Cette porte ne nécessitant pas de champs de contrôle ou de système de gestion externes, elle peut permettre la construction de l'équivalent quantique des réseaux d'intégration à très grande échelle (VLSI). « La porte SWAP dont nous avons fait la démonstration est applicable à la communication photonique entre tous les types de qubits matériels – pas seulement les atomes », dit Dayan. « Nous pensons donc qu'elle deviendra une brique essentielle de la prochaine génération d'ordinateurs quantiques. » 

Les recherches du professeur Barak Dayan bénéficient du soutien du Centre Photonique Crown et de la Fondation Edmond de Rothschild.

 

 

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