Apprentissage dans le sommeil

04.07.2012

Est-il possible d’apprendre dans le sommeil? La revue scientifique Nature Neuroscience publie aujourd'hui une nouvelle recherche effectuée à l'Institut Weizmann. Les chercheurs ont découvert que lorsque certaines odeurs sont présentées après des tonalités à des sujets endormis, ceux-ci se mettent à renifler même lorsqu’ils n’entendent que les tonalités (alors qu’aucune odeur ne leur est présentée) à la fois dans le sommeil et ensuite en état de veille. En d’autres mots, il est possible d’apprendre de nouvelles informations dans le sommeil, et ceci peut de manière inconsciente modifier le comportement à l’état de veille.


On sait qu’il est difficile de mener des expériences sur l’apprentissage dans le sommeil. Premièrement, il faut être sûr que les sujets sont réellement endormis, et qu’ils le restent durant toute la durée des « leçons ». Les essais les plus stricts sur l’apprentissage verbal dans le sommeil n’ont pas réussi à prouver des résultats sérieux. Alors que des recherches de plus en plus nombreuses ont montré l’importance du sommeil pour la consolidation de l’apprentissage et de la mémoire, personne n’a réussi à montrer que le cerveau de personnes adultes peut réellement apprendre quelque chose de nouveau dans le sommeil.

Le professeur Noam Sobel et la doctorante Anat Arzi, avec le groupe du professeur Sobel dans le département de Neurobiologie, en collaboration avec des chercheurs de l’hôpital Loewenstein et de l’Academic College de Tel-Aviv-Jaffa, ont décidé de faire des expériences avec un type de conditionnement selon lequel on expose les sujets à une tonalité suivie d’une odeur, de sorte que les sujets présentent rapidement une réponse à la tonalité identique à celle qu’ils auraient eue en présence de l’odeur. L’association des tonalités et des odeurs offre plusieurs avantages. Ni les unes ni les autres ne réveillent les dormeurs (d’ailleurs certaines odeurs favorisent un profond sommeil), mais le cerveau les traite et réagit même dans le sommeil. Qui plus est, l’odorat permet une démarche non verbale qui peut être observée : le fait de renifler. Les chercheurs ont découvert que, dans le cas des odeurs, le cerveau endormi agit pratiquement comme s’il était éveillé. On respire profondément lorsqu’on sent une odeur agréable, mais on arrête vite de respirer dans le cas d’une odeur insupportable. Cette différence dans la manière de respirer a pu être enregistrée aussi bien lorsque les sujets étaient endormis que lorsqu’ils étaient éveillés. Ensuite, bien que ce type de conditionnement puisse sembler a priori assez simple, il est associé à des zones cérébrales supérieures, parmi lesquelles l’hippocampe, impliqué dans la formation de la mémoire.

Dans ces expériences, les sujets ont dormi dans un laboratoire spécial et leur état de sommeil a été surveillé de manière ininterrompue (dans le cas d’éveil durant le conditionnement, même pour un instant, les résultats ont été disqualifiés). Pendant leur sommeil, on a fait entendre aux sujets une tonalité suivie d’une odeur qui était soit agréable, soit désagréable. Ensuite, on leur a présenté une autre tonalité, suivie d’une odeur à l’extrémité opposée de l’échelle olfactive de la qualité des odeurs. Au cours de la nuit, les associations ont été partiellement renforcées, jusqu’à exposer le sujet uniquement aux tonalités. Les volontaires endormis réagissaient aux seules tonalités comme si les odeurs associées étaient encore présentes, soit par une inspiration profonde, soit par une respiration superficielle.

Le lendemain, on a fait entendre aux sujets maintenant éveillés les seules tonalités, sans l’accompagnement d’odeurs. Bien qu’ils n’aient aucun souvenir conscient de les avoir entendues pendant la nuit, la séquence de leur respiration montrait une autre histoire. En entendant les tonalités associées à des odeurs agréables, ils respiraient profondément, tandis que les autres tonalités, celles qui étaient associées aux odeurs désagréables, provoquaient une respiration rapide et superficielle.

Le groupe a alors posé la question de savoir si ce genre d’apprentissage est lié à une phase particulière du sommeil. Dans une deuxième expérience, les chercheurs ont divisé le cycle du sommeil en mouvements oculaires rapides (MOR en français, REM pour Rapid Eye Movement en anglais) et en mouvements oculaires lents (MOL = non-REM sleep), et ont alors induit le conditionnement durant seulement l’une ou l’autre de ces phases. De manière surprenante, ils ont trouvé que la réponse acquise était plus marquée durant la phase rapide (MOR), mais que le transfert de cette association du sommeil à l’éveil était évident seulement lorsque l’apprentissage avait eu lieu durant la phase lente (MOL). Le professeur Sobel et la doctorante Anat Arzi suggèrent que durant le sommeil MOR les personnes sont plus ouvertes à l’influence des stimuli dans l’environnement, mais que ce qu’on appelle « l’amnésie des rêves » – qui fait oublier la plupart des rêves – peut agir sur n’importe quel conditionnement à cette phase du sommeil. En revanche le sommeil MOL est la phase importante pour la consolidation de la mémoire, et il se pourrait qu’il joue aussi un rôle dans cette forme d’apprentissage du sommeil.

Bien que le laboratoire du professeur Sobel soit spécialisé dans l’étude de l’odorat, Anat Arzi a l’intention de continuer à travailler sur le fonctionnement du cerveau lors d’altérations d’états de conscience tels que le sommeil et le coma. Elle explique : « Maintenant que nous savons que certaines formes d’apprentissage dans le sommeil sont possibles, nous voulons voir où se trouvent les limites et découvrir quelles sont les informations qui peuvent être acquises dans le sommeil et quelles sont celles qui ne le peuvent pas. »
 
 
La recherche du professeur Sobel est financée par : madame Regina Wachter (New York) ; la succession de Lore Lennon ; James S. McDonnell Foundation 21st Century Science Scholar in Understanding Human Cognition Program ; Minerva Foundation ; et le European Research Council.
 

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