Découverte du code régulateur du génome

09.09.2012

Une nouvelle méthode automatisée pour cartographier les interactions protéines-ADN pourrait faire progresser la médecine personnalisée

Depuis le séquençage du génome humain en 2001, tous nos gènes (un total d’environ 20 000) ont été identifiés. Mais il reste encore beaucoup d’inconnues, par exemple où et quand chacun de ces gènes devient actif. A côté de chaque gène se trouve un court segment d’ADN, et l’activité de ce segment régulateur détermine si le gène va être activé, où et avec quelle intensité. Ces segments régulateurs courts sont aussi importants (sinon plus) que les gènes, car 90 % des mutations qui provoquent des maladies se produisent dans ces zones régulatrices. Ces segments sont responsables du bon développement des tissus et des organes : ils font, par exemple, que les cellules des yeux (et seulement les cellules des yeux) contiennent des récepteurs de lumière, et de leur côté, seules les cellules pancréatiques produisent l’insuline. Il est donc évident que si l’on comprend mieux ce système régulateur avec ses mécanismes et ses risques de dysfonctionnement, on pourra faire progresser la recherche biomédicale, en particulier en développant les thérapies ciblées individuellement pour chaque malade.

 
Malgré son importance, le « code régulateur » n’est pas bien compris. Pour aborder ce problème, un groupe de recherche sous la direction du docteur Ido Amit, du département d’Immunologie de l'Institut Weizmann, avec des chercheurs du Broad Institute (dans l’Etat du Massachusetts), parmi lesquels Manuel Garber, Nir Yosef et Aviv Regev, ainsi que Nir Friedman de l’Université hébraïque de Jérusalem, on développé un système avancé automatisé pour cartographier ces sites. Ils ont ensuite utilisé ce système pour comprendre des principes importants du fonctionnement de ces éléments régulateurs. Leur étude, publiée dans la revue Molecular Cell, a révélé entre autres une structure hiérarchisée du code régulateur. En cartographiant un grand nombre de facteurs régulateurs, le groupe a réussi à révéler un plan d’ensemble pour la régulation génique ainsi que les détails précis des mécanismes impliqués dans la réponse immunitaire.
 
Le docteur Amit dit la chose suivante : « Ce que nous voyons en ce moment, c’est une course vers la cartographie du code régulateur et vers la découverte de ses relations avec les maladies et la variabilité humaine qui rappelle la compétition pour le séquençage du génome humain. Mais jusqu’à présent les participants ont eu affaire à un obstacle important. Le processus utilisé pendant les dernières trente années pour cartographier les éléments régulateurs était compliqué et complexe, exigeait une main d’œuvre importante, et pour cela il fallait de grands consortiums scientifiques. Avec cette nouvelle méthode, un petit groupe de chercheurs suffit pour faire des travaux à la même échelle que des groupes immenses, et en un temps bien plus court. »
 
Leur méthode automatisée très efficace a permis au docteur Amit et à son groupe de mesurer en parallèle un grand nombre de protéines régulatrices et leurs sites de liaison. Ils ont exposé des cellules immunitaires à des bactéries, préparant le terrain pour l’activation des gènes, et ont ensuite suivi la trace de l’activité de plusieurs dizaines de protéines régulatrices différentes dont on sait qu’elles jouent un rôle dans la réponse immunitaire à quatre occasions différentes. Les chercheurs ont été capables non seulement d’identifier les sites de liaison de chacune d’elles et les gènes qu’elles activent, mais aussi les niveaux d’activation et les mécanismes utilisés.

Une des découvertes les plus remarquables est que les activités de ces facteurs régulateurs peuvent être clairement classifiées en trois niveaux dans une sorte de hiérarchie régulatrice. Au niveau le plus bas se trouvent les facteurs qui commencent une ébauche des divisions cellulaires en contrôlant la différentiation cellulaire. Ces facteurs sont les guides de « l’identité de base » qui peuvent, à eux seuls, déterminer si une cellule aura les caractéristiques d’une cellule musculaire ou celles d’une cellule nerveuse, etc. Au deuxième niveau se trouvent les facteurs régulateurs qui déterminent la sous-identité des cellules en contrôlant l’intensité de l’expression génique. Ces facteurs sont chargés de produire des sous-types relativement similaires les uns aux autres, par exemple, des fibres musculaires qui peuvent être soit lisses soit striées, ou des cellules immunitaires qui se ressemblent. Les facteurs régulateurs du troisième niveau sont encore plus spécialisés. Ils affectent seulement l’expression de certains gènes qui sont appelés à la rescousse en réponse à des signaux provenant de l’extérieur des cellules, comme par exemple en présence d’envahisseurs bactériens, d’hormones ou de faim douloureuse.

On peut espérer que lorsque les chercheurs comprendront mieux le code régulateur, ils sauront comment naissent les maladies et comment elles progressent suite aux dysfonctionnements des mécanismes régulateurs. A l’avenir, la connaissance du mécanisme régulateur pourra conduire à des avancées de la médecine de réadaptation. Les mécanismes régulateurs pourraient être utilisés pour rediriger la différenciation des cellules des patients, qui pourraient ensuite être à nouveau implantées, évitant ainsi les problèmes inhérents à l’utilisation de cellules de donneurs.
 
Le docteur Amit conclut : « La nouvelle méthode pour cartographier le plan régulateur de gènes pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour les recherches sur toutes sortes de phénomènes biologiques, y compris les insuffisances systémiques en cas de maladies. »
 

La recherche du docteur Ido Amit est financée par : Abramson Family Center for Young Scientists; Abisch Frenkel Foundation for the Promotion of Life Sciences; Sam Revusky, Canada; Leona M. and Harry B. Helmsley Charitable Trust; M.D. Moross Institute for Cancer Research; Drs. Herbert and Esther Hecht (Beverly Hills, Californie); la succession d’Ernst et Anni Deutsch; la succession d’Irwin Mandel.
 

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