Gaspillage alimentaire : Le plus grand gaspillage pourrait provenir de ce que vous choisissez de consommer.

12.08.2018

Une nouvelle analyse suggère que des centaines de millions de personnes supplémentaires pourraient être nourries avec les mêmes ressources si nous passions à une alimentation à base de végétaux.

On estime qu'environ un tiers des aliments produits dans le monde pour la consommation humaine sont perdus ou gaspillés. Mais le plus grand gaspillage, qui n'est pas inclus dans cette estimation, pourrait être dû à des choix alimentaires entraînant la dilapidation de ressources environnementales. Dans une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), aux É.-U., des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences et leurs collègues ont mis au point une nouvelle façon de définir et de quantifier ce deuxième type de gaspillage. Les scientifiques l'ont nommé « perte d'opportunités alimentaires », un terme inspiré du concept de « coût d'opportunité » en économie, qui fait référence au coût du choix d'une alternative particulière au détriment de meilleures options.

La perte d'opportunités alimentaires découle de l'utilisation de terres agricoles pour la production d’aliments d'origine animale au lieu de denrées végétales comparables sur le plan nutritionnel. Les chercheurs indiquent que rien qu'aux États-Unis, en évitant la perte d'opportunités alimentaires – c'est-à-dire en remplaçant tous les produits d'origine animale par des cultures végétales destinées à la consommation humaine – on pourrait augmenter la quantité de nourriture produite de manière à nourrir 350 millions de personnes supplémentaires, soit plus que la population américaine totale, avec les mêmes surfaces de sol. « Notre analyse a montré qu'une alimentation à base de végétaux aurait un potentiel d’accroissement de la quantité d'aliments disponibles supérieur à celui de l'élimination de toutes les causes conventionnelles de perte de nourriture », explique l'auteur principal, le Dr Alon Shepon, qui a travaillé dans le laboratoire du professeur Ron Milo du Département des sciences végétales et de l'environnement. Cette recherche de l’institut Weizmann a été faite en collaboration avec le professeur Gidon Eshel du Bard College et le Dr. Elad Noor de l'ETZ de Zurich.

Les scientifiques ont comparé les ressources nécessaires pour produire cinq principaux types d'aliments d'origine animale – bœuf, porc, produits laitiers, volaille et œufs – avec celles nécessaires pour la culture de végétaux comestibles de valeur nutritionnelle similaire en termes de protéines, de calories et de micronutriments. Ils ont constaté que les cultures végétales de substitution pourraient produire deux à 20 fois plus de protéines à l’hectare.

Les résultats les plus spectaculaires ont été obtenus pour le bœuf. Les chercheurs l'ont comparé à un mélange de cultures – soja, pommes de terre, sucre de canne, arachides et ail – dont le profil nutritionnel est similaire lorsqu'elles sont consommées ensemble dans des proportions adéquates. La superficie de sol permettant de produire 100 grammes de protéines au moyen de ces cultures ne donnerait que 4 grammes de protéines bovines comestibles. En d'autres termes, l'utilisation de terres agricoles pour produire du bœuf plutôt que des cultures végétales de substitution entraîne une perte d'opportunité alimentaire de 96 grammes – c’est-à-dire de 96 % – par unité de sol. Cela signifie que le gain découlant du détournement de terres agricoles de la production de bœuf vers celle d’aliments végétaux destinés à la consommation humaine est potentiellement énorme.

Les pertes estimées dues au non remplacement d'autres aliments d'origine animale par des cultures végétales similaires sur le plan nutritionnel étaient également énormes : 90 % pour le porc, 75 % pour les produits laitiers, 50 % pour la volaille et 40 % pour les œufs, ce qui est plus élevé que l’ensemble de toutes les pertes alimentaires conventionnelles combinées. « La perte d’opportunités alimentaires doit être prise en compte si nous voulons faire des choix alimentaires susceptibles d’améliorer la sécurité alimentaire mondiale », dit Milo.

 

La recherche du Pr. Ron Milo bénéficie du soutien du Centre Canadien pour les Energies Alternatives Mary et Tom Beck, qu’il dirige, du Programme Zuckerman STEM Leadership, de Dana et Yossie Hollander ainsi que de la Fondation Charitable Larson. Le professeur Milo est titulaire de la chaire professorale Charles et Louise Gartner.

L’Institut Weizmann des Sciences à Rehovot, en Israël, est l'un des plus importants établissements de recherche multidisciplinaires au monde. Réputé pour sa recherche dans de nombreux domaines des sciences naturelles et des sciences exactes, l'Institut abrite des scientifiques, des étudiants, des techniciens et du personnel auxiliaire. Les recherches menées par l'institut portent sur de nouvelles formes de lutte contre la maladie et la faim, sur des questions majeures en mathématiques et en informatique, sur la physique de la matière et les mystères de l'univers, sur la création de nouveaux matériaux et sur le développement de nouvelles stratégies de protection de l'environnement.

Les communiqués de presse de l'Institut Weizmann sont publiés sur Internet à l'adresse

http://wis-wander.weizmann.ac.il/, et sont également disponibles sur http://www.eurekalert.org/

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